20 novembre 2006

Royaumont...

Pendant près de 10 ans j’ai été guide-conférencière à l’abbaye de Royaumont. Comme tout travail, il est arrivé qu’il m’agace mais dans l’ensemble, c’est plutôt une collection de bons souvenirs.
J’appréciais particulièrement les visites avec les scolaires et leurs questions parfois « tordues pour nos esprits d’adultes embouchés ». La question la plus surprenante venant d'un de ces charmants bambins est survenue alors que j’étais en train de leur expliquer que les moines qui vivaient là avant faisaient la promesse de se taire. Là j’ai vu un doigt se lever et j’ai entendu « Mais Madame, comment ils faisaient alors pour aller aux toilettes ? » Je dois bien admettre qu’il m’a fallu un peu de temps à comprendre le sens de cette question… Je ne voyais pas du tout le rapport entre le vœu de silence et aller aux toilettes… Et pendant que je réfléchissais à la réponse que j’allais bien pouvoir fournir, je me suis mise à la place de ce petit garçon qui, pour aller aux toilettes à l’école, devait demander l’autorisation à sa maîtresse ! Et j’ai souri. Je le tenais mon lien !


La visite pendant laquelle j’ai été le plus mal à l’aise… c’était une « visite de week-end », c'est-à-dire avec un groupe formé des visiteurs les plus fraîchement arrivés, qui souhaitaient une visite guidée. Nous en faisions trois le samedi après-midi et quatre le dimanche. La plupart du temps, les dimanches soirs, j’étais complètement aphone ...
Et ce dimanche là, un monsieur d’un certain âge avait attiré mon attention. J’étais certaine de le connaître… mais d’où ? Je continuais ma visite tout en me demandant qui pouvait bien être cet homme… J’avais acquis la certitude que c’était soit à l’Ecole du Louvre, soit à l’Université que je l’avais rencontré. En ayant marre de me poser tant de questions, j’ai fini par me dire qu’il devait s’agir de l’un des nombreux auditeurs de l’Ecole du Louvre qui avait partagé les amphis avec moi.
Soudain (heureusement, j’avais déjà fait une bonne partie de ma visite), je me suis souvenue d’où je le connaissais… C’était effectivement dans un amphi que je l’avais rencontré mais à l’Université et il n’était pas sur les mêmes bancs que moi…. C’était le petit monsieur que j’avais du mal parfois à distinguer assis tout en bas derrière son bureau… Monsieur Turcan… mon professeur d’archéologie romaine et gallo-romaine… Là, je dois bien admettre qu’un vent de panique a soufflé dans mon cerveau… Quoi ? Moi, je faisais une visite guidée au Maître ??? Et comme je manque singulièrement de confiance en moi… j’imaginais déjà ses reproches à la fin de la visite… En fait, j’ai un peu vécu cette fin de visite comme un grand oral dont j’attendais fébrilement la note… Ouf de soulagement quand j’ai eu droit à ses chaleureuses félicitations tant sur le contenu que sur la forme… et il n’était pas peu fier quand je lui ai dit que j’étais une de ses anciennes étudiantes et que c’est en partie grâce à lui et grâce à Mr Pressouyre que j’avais eu le goût pour une élocution sans faille et que, comme eux, plutôt que de faire une conférence « barbante » j’essayais de raconter une histoire.

La visite la plus comique quant à elle, reste avec l’Armée de Terre ! C’était au moment où des casernes entières fermaient à cause de la suppression du service national et certaines avaient des budgets à liquider. Et c’est tout à l’honneur de l’armée française d’avoir utiliser une partie de ces crédits en visites culturelles (encore que… à mon sens, on aurait pu se servir de cet argent public en comblant une partie du trou de la Sécurité Sociale, par exemple…).
Bref, j’arrive à la rencontre de mon groupe et se présente à moi le Capitaine !!! Comme tous ses hommes s’étaient éparpillés dans la librairie en attendant, il s’est mis à hurler (peut être finalement que beugler est plus approprié) : « Rassemblement général autour du bassin central !!! » Cette visite commençait très fort ! Je me doutais que le Capitaine n’allait pas en rester là… et je ne m’étais pas trompée. Chaque déplacement que nous avons eu à faire au cours de cette visite a été ponctué de « Une, deux, une deux… serrez les rangs ! » Heureusement que j’étais en tête de la marche ce qui me laissait tout le loisir de pouffer de rire. En attendant, c'était assez efficace car je n'ai jamais perdu aussi peu de temps dans les déplacements. Mais le meilleur moment n’était pas encore arrivé… Je rentre dans le cloître et, comme à mon habitude, me place à un angle. Je monte sur le petit banc du cloître pour pouvoir mieux me faire entendre et faire aussi de la place et j’invite les soldats à se rapprocher un peu de moi pour faire de la place à ceux qui n’étaient pas encore rentrés. Et là, le Capitaine a dû avoir peur pour ma vertu et a dû sentir une certaine confusion dans le placement de ses hommes… Dès qu’il est rentré, il s’est écrié « Droite, gauche, droite, gauche, collez pas la guide ! » Je l’ai regardé d’un air étonné et j’ai éclaté de rire… Je pense qu’il a dû se vexer un peu… Alors bien des années plus tard, toutes mes excuses mon Capitaine !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et voilà comment l’on présente des excuses ,des années plus tard , à un brave capitaine qui avait su mettre en place , au pied levé, une protection efficace pour la vertu d’une conférencière supposée en danger . Je doutais de la réactivité de l'armée dans certaines situations mais plus maintenant .
Beaucoup d’émotions et d’humour dans vos souvenirs , j’en attends d’autres avec impatience .

Catherine45