13 juin 2007

Un journaliste du Temps témoigne

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Bah voilà... j'suis déçue... J'préfèrais encore l'imaginer éméché... Ca me l'avait presque rendu sympathique car il apparaissait enfin faillible...

Mais bon, voilà l'article de Richard Werly glané sur le journal suisse "Le Temps"


Heiligendamm, jeudi 7 juin, 17h30...


Oui, Nicolas Sarkozy avait bien l'air bizarre pour sa toute première conférence de presse donnée lors d'un G8.
Je vous parle en connaissance de cause. J'étais au troisième rang, juste devant la caméra dont les images du président français circulent aujourd'hui abondamment sur l'internet. Ceux qui avaient pu, comme moi, atteindre le centre de briefing d'Heiligendamm étaient pour la plupart dans la salle. Presque un exploit: les protestataires anti-G8 ayant bloqué le train à vapeur reliant le centre de presse à la salle de briefing, distants d'une dizaine de kilomètres, les rescapés avaient été convoyés dans l'après-midi en bateau.... ou en hélicoptère. Beaucoup de journalistes français, coincés et furieux, durent d'ailleurs se contenter de regarder ce jour-là leur président sur écran.
Résumons: l'intervention de Nicolas Sarkozy était la seule à cette heure. Pas de tension particulière ni d'agitation sécuritaire donc, dans ce centre de briefing monté de toute pièce à l'extérieur du Grand Hotel Kempinski, pour que les grands de ce monde ne soient pas importunés par les reporters. Le reste s'est passé comme ça: Sarko est arrivé en retard, pressé. Eméché ? Cela ne m'est pas venu à l'esprit. Il ne titubait pas. Il semblait plutôt étonné d'être propulsé là, au milieu des journalistes, tous leur carnet de notes en main. Je l'ai senti plutôt angoissé par un grand vide. Pris de vertige. Un peu comme un trapéziste qui voit soudain le sol défiler sous lui. Il n'était pas serein (mais lui arrive-t-il de l'être?). Plus grave: il ne semblait pas non plus très bien préparé par ses conseillers à son premier punching-ball diplomatico-médiatique.
Le malaise venait du ton. Je l'ai dit dès la fin de la conférence à mon collègue Yves Petignat, aussi sur place pour couvrir le G8. L'hôte de l'Elysée était euphorique. Il planait. Au point de nous prévenir qu'il avait «gardé son calme» devant Poutine. Au point de demander, devant ses conseillers un tantinet éberlués, si « la diplomatie française peut lui accorder un peu de marge de manoeuvre »...Ce Nicolas Sarkozy paraissait éberlué, bluffé, étonné lui même d'être enfin là, dans ce «saint des saints» de la puissance mondiale. «Dans ce G8, on n'a pas une seconde, on court de réunion en réunion», a-t-il poursuivi. Regards déconcertés des confrères. Ce président-là ressemblait à un grand ado un peu perdu, sortant de sa pochette surprise ses propositions pour sauver le monde: moratoire de six mois sur le Kosovo, annonce d'une prochaine visite au Royaume uni pour convaincre Gordon Brown de soutenir son «traité simplifié»...
Je l'ai, pour tout dire, vraiment trouvé à côté de la plaque. Pas alcoolisé. Plutôt survitaminé. Comme dopé. Quelque chose sonnait faux dans ses mots. Il n'était pas ce soir là le chef de l'Etat français. Il était «Sarko»: cet énergique politicien qui vous veut du bien, vous sourit mécaniquement, est bourré de tics et ramène tout à lui: la victoire arrachée à Bush sur le climat, l'arrêt des souffrances au Darfour... Je l'ai suivi en campagne électorale, avec le correspondant du Temps à Paris Sylvain Besson. Il est comme ça. Il lui faut du pathos, de l'adhésion, une bonne dose de «Je», de «moi».
Amphétamines, alcool, déprime? Laissons de coté les rumeurs qui vagabondent sur l'internet. Ce qui m'a sidéré, en cette fin d'après-midi au G8, c'est que Nicolas Sarkozy ne parlait pas de l'état du monde. Il nous parlait de lui, de sa «franchise», de son «agenda», de son «calme». D'abord ivre d'être là. Saoulé par ses propres paroles.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Déçue ? Moi pas, au contraire ! Je trouve que l'article de la journaliste belge est brillant et criant.
Brillant, parce qu'elle parvient en quelques phrases piquantes à nous montrer un Sarko encore plus à côté de ses pompes (de son rôle de nouvel homme d'état, donc) que s'il avait été ivre.
Criant (de vérité), parce que, après avoir regardé l'ensemble de cette conférence de presse sur le ouèbe, j'adhère aux propos de la journaliste. En effet, si Sarko apparaît légèrement hagard, titubant, bafouilleur les premières secondes, il reprend de l'assurance dans les minutes qui suivent. Il a chaud, semble-t-il, le souffle un peu court, il improvise, c'est certain, mais improviser sur du vent est une chose dans laquelle il n'excèle pas. Evoquer du vent, Niko ne sait pas. Tout ce qu'il peut dire à ce moment sonne creux. On a l'impression d'assister à son baptême du feu. J'imagine ses camarades du G8 planqués derrière le rideau à pouffer de rire. Une forme de bizutage en sorte...
J'ai surtout l'impression qu'on se fout bien de notre gueule, je réalise encore plus la bêtise de ce large pourcentage de français qui a élu sans hésitation un homme qu'ils méconnaissent fortement. Oui, Sarko aime le pathos ; oui, il n'est bon que dans la dramatisation de ses interventions. Sarko, c'est l'action avant tout ! Rien de nouveau à cela. Tel on l'a vu lors de la prise d'otage à Neuilly. Tel on l'a vu lors de la crise des banlieues. S'il ne se passe rien, il s'emmerde... et nous aussi.
Heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon la France aurait bien du souci à se faire !
P.S. : Pas de politique sur mon blog, hein, voisine, je crois que tu le sais et tu respectes cela, tu es une fille bien. Merciiii !...

Anonyme a dit…

MDR, j'ai tout faux ! Lisez "LE journaliste SUISSE" et non "LA journaliste BELGE". Ch'suis trop bête desfois ! ;o)

fratwoman a dit…

Tu dis : "Brillant, parce qu'elle parvient en quelques phrases piquantes à nous montrer un Sarko encore plus à côté de ses pompes (de son rôle de nouvel homme d'état, donc) que s'il avait été ivre." Et je suis entièrement d'accord avec toi et c'est bien ça qui me navre... J'aurais encore préféré qu'il ait abusé d'une bonne vodka offerte par Poutine... Au moins, il avait une excuse là... Maintenant, il n'en a plus et ça fait encore plus peur et on a vraiment de quoi avoir honte du Président de notre pays... C'était ça que je voulais dire par déçue...
Si seulement les français pouvait ouvrir les yeux d'ici dimanche...